La mort du grand photographe de presse
PHILIPPE MAILLE : SON DERNIER ENVOL
par Gonzague Saint Bris
Le 5 décembre à 11h45, Philippe MAILLE, le grand photographe et aérostier a pris, suivant la belle expression de sa fille Emilie et d'Hugues de Sade, son dernier envol. Que tous ceux qui l'ont aimé se retrouvent pour un ultime salut à la messe de ses funérailles le jeudi 12 décembre à 9h45 à l'église Saint Justin, Parvis Jean-Paul II, Place d'Estienne d'Orves à Levallois-Perret 92300.
Pour moi Philippe Maille était depuis quarante ans plus qu'un ami, un véritable frère, frère dans le journalisme puisqu'il exerçait avec talent le beau métier de photographe de presse, faisant une carrière éclatante au Figaro Magazine, frère dans l'amour du sport et la passion de l'élévation quand nous partagions ensemble, et souvent avec Hugues de Sade, la pratique du ballon libre. Combien de fois n'avons-nous pas vécu ces vols enchanteurs qui nous emportaient dans les cieux du Val de Loire à bord de la nacelle et sous le bruit du brûleur en nous envolant de l'Ile d'Or à Amboise, du parc de Chenonceau ou de la Pagode de Chanteloup ?
Avec Philippe comme journaliste, comme reporter, j'ai vécu en direct et en communion avec lui qui savait fixer les images de l'histoire en mouvement, quelques unes des mutations du XXe siècle : des retrouvailles avec les Egéries russes à Moscou après la chute du mur de Berlin au lancement du mouvement de la Nouvelle Alliance à New York, au pied de la Statue de la Liberté, sous l'égide des Présidents François Mitterrand et de Ronald Reagan.
De par le monde, Philippe Maille était le même cultivant l’art où il était champion du monde : faire des photos sans clichés. En reportage, il se montrait à la fois audacieux et diplomate, observateur et dynamique, perspicace et rapide, courageux et plein d'humour. Pour obtenir l'image parfaite, le cadrage génial, l'instant idéal du déclic, il savait être à la fois et patient et tenace. Il n'avait peur de rien et surtout pas de la beauté, cette beauté des images auxquelles il se dédiait en serviteur et en seigneur de son art. A chaque FORET DES LIVRES, le dernier dimanche d'août, sous les feuilles des auteurs et celles des arbres centenaires du village de Chanceaux-près-Loches, dans la Touraine des écrivains, combien de fois ne nous a-t-il pas saisi par son sens suprême de la poésie qui nous fait monter les larmes aux yeux quand nous regardons aujourd'hui à nouveau ses si belles photos ?
Jusqu'à la fin, il a oeuvré comme photographe à la poursuite de la beauté. Le temps actif avait fait sur lui le travail d'une métamorphose bénéfique et, après avoir servi l'actualité à chaud, il s'était intéressé à l'art illimité. Il était passé de la photo choc à l'enluminure de l'éternité. A Reims, la ville de ses ancêtres et de sa naissance, il avait le beau projet de consacrer un livre de photos aux 800 ans de la cathédrale. Il en avait gravi toutes les marches jusqu'au ciel pour réaliser ces clichés dont il avait le secret et dont il nous avait montré les premiers tirages.
Cher Philippe, c'est si facile de te dire aujourd'hui de la terre jusqu'aux nuages et jusqu'aux arcatures qui donnent sur le ciel combien était grand ton talent. Tu étais sur la voie de la fin de ton existence, et tu ne le savais pas encore, et comme préface à ta vie spirituelle, à ta vie éternelle, tu présentais le chef d'œuvre de tes images impeccables de la Cathédrale de Reims. Cela voulait dire que ce jour-là, c’était celui de ton sacre de Reims, la brutalité de l'actualité avait cédé la place à la tendresse des cieux. Ton parcours d’artiste avait trouvé son accomplissement et tu étais parvenu au moment où il est bon de comprendre ce que signifie la racine grecque du mot enthousiasme : avoir Dieu en soi.
A l'heure de l'éternité de l'amour que tu portes à ta fille Emilie et à ta compagne Micheline, à l'heure où nous ressentons la joyeuse solidarité chevaleresque de la garde étincelante de tes amis pour toujours, je voudrais saluer par une phrase de Baudelaire à la fois ton credo, la pérennité de ton art : "L'image ma grande, ma primitive passion".